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On se pose plein de questions sur le potentiel de l'IA en techniques de studio ? Et voilà que Waves propose à prix cassé une solution de mastering audio en ligne qui utilise l'IA. Alors que vaut cette solution ?
Vous pouvez écouter cet article en audio :
C’est un véritable banc d’essai que je vous propose pour évaluer cette nouvelle solution présentée en janvier 2024 par le fabricant israélien de plugins bien connu et leader mondial sur le marché des plugins VST. Elle a été développée en collaboration avec l’ingénieure de mastering américaine Piper Payne.
Ce faisant, nous nous plaçons sur le terrain mouvant et clivant de l’utilité de l’intelligence artificielle. Mais je vous rappelle que la présence d’IA dans les plugins VST n’est sans doute pas réellement une nouveauté.
On peut déjà la déceler dans des plugins très efficaces qui nous facilitent vraiment certaines tâches : denoiser, declicker, debreather, pour n’en citer que quelques uns.
En effet, n’est-ce pas le début de l’intelligence de pouvoir déceler certains paramètres sonores, les modifier de manière relative, au cas par cas, afin d’améliorer automatiquement, mais de manière adaptative un fichier son ?
Une solution complète de mastering on line
Mais là, Waves nous propose une solution complète de mastering en ligne, quasi automatique qui pourrait bien nous faciliter la tâche, nous faire gagner du temps et économiser de l’argent.
En effet, 6 Euros le titre, moins de 60 Euros pour un album 15 titres ! C’est ce qu’on peut appeler casser le marché … Et d’ailleurs, dès la sortie de la solution Waves Online Mastering avec un test gratuit tout au long du mois de janvier 2024, les commentaires ont été immédiats.
« Waves se tire une balle dans le pied… Ils ne vendront plus de plugins de mastering … encore une concurrence déloyale de l’IA … Les studios de mastering vont tous fermer … »
Et là, je vous réponds : « On se calme, les amis ! ».
Tout d’abord, examinons cette solution de plus près et jugeons sur pièces : c’est notre banc d’essai en conditions réelles.
Mixage et mastering du titre
Au moment d’écrire cet article, je venais de terminer mon tout dernier mix d’une petite création musicale sympathique : un remake pop de la chanson tradi Coucou Hibou, bien connue de nos enfants et que nous avons probablement tous chantée à l’école.
Cette version brillante et détonnante a été concoctée par 2 amis musiciens dans leur home studio et j’ai pris beaucoup de plaisir à mixer leur chanson. Voix lead, choeurs, synthés, guitare, percussions : une vingtaine de pistes, une intro, des refrains, des ponts, des chorus, un final. Un peu plus de 4mn de bonheur !
Dans un premier temps, j’ai mixé tout çà et j’ai appliqué ensuite un mastering très minimal dont j’ai l’habitude : avec tout simplement le plugin Waves L1 UltraMaximizer que j’affectionne particulièrement. L’idée était de mastériser une version appropriée au streaming sur les plateformes comme Spotify, par exemple.
Surveillez vos LUFs !
Sans vous expliquer de fond en comble les données techniques pour ce genre de sport, sachez simplement qu’un titre en streaming sera toujours aligné automatiquement en volume par les algorithmes de la plateforme dès son chargement. C’est ce qui assure un fil de streaming cohérent en écoute et permet de passer d’un titre à l’autre sans grosse différence de niveaux.
Voilà pourquoi, les musiciens ou les producteurs qui mettent en ligne ont tout intérêt à respecter à peu près la norme préconisée en terme de niveau de compression de leurs masters. Voilà ce que demandent les principales plateformes musicales en LUFS, qui est, pour résumer, l’unité de mesure de niveau ressenti à l’écoute.
L’acronyme LUFS signifie : Loudness Unit Full Scale. Voici les valeurs recommandées par les principales plateformes et supports :
Spotify | Apple Music | Amazon Music | Youtube | Deezer | Souncloud | CD |
– 14 Lufs | – 16 Lufs | -9 à -13 Lufs | -13 à -15 Lufs | -14 à -16 Lufs | -8 à -13 Lufs | -9 Lufs |
Pour simplifier, plus vous compressez votre master, plus cette valeur ressentie sera élevée.
Attention : – 9 Lufs sonne donc plus fort que -14 Lufs. Et on en retiendra qu’une valeur moyenne autour de -13 ou -14 Lufs convient pour toutes les plateformes.
Nous insérons donc un plugin qui va mesurer les Lufs, en tout dernier sur la piste master stéréo, comme Izotope Insight ou bien la version gratuite de Youlean Loudness Meter qui est bien suffisante.
Mon mastering maison
Mon premier mastering maison se présente donc de cette manière en sortie : tout d’abord le L1 Ultramaximizer, puis Izotope Insight qui nous donnera en plus des Lufs des mesures de cohérence de notre spectre sonore.
Et je vais caler le seuil de déclenchement du Maximizer pour que mon niveau de Lufs intégré se situe entre -13 et -14.
Vous pouvez écouter cet extrait :
Préparation pour le Waves Online Mastering
Il s’agit maintenant de faire une copie de mon projet mixé sans le mastering et de le préparer pour le Mastering Online selon les prescriptions de Waves.
J’ai donc supprimé le Maximizer qui était présent sur mon bus stéréo out.
Puis j’ai appliqué ces recommandations de Waves :
- Baisser le volume général pour que la sortie module à – 3,8 dbfs
- Baisser également les niveaux de réverb, comme conseillé de – 3db
Et j’ai exporté cette version de mon mix à la même résolution.
Puis je me suis rendu dans mon compte Waves pour m’inscrire gratuitement au Waves Online Mastering.
Une fois connecté, j’ai pu importer mon fichier stéréo. Notons que Waves offre un master gratuit à tout nouvel arrivant. Espérons qu’ils vont continuer à faire ce petit cadeau.
Le fichier est processé et là je comprends que différents styles sont appliqués.
Les 6 options proposées pour le mastering
Une fois le fichier importé et processé, on tombe sur le tableau de bord qui propose 6 options. Il ne serait pas juste de les nommer « réglages », car on n’a aucune visibilité sur ce qui se passe à l’intérieur de chaque option.
J’en déduis qu’il s’agit donc de modélisation, ce qui n’est pas étonnant quand on a affaire à l’Intelligence Artificielle. Elle n’est pas capable de créer, d’inventer, de s’adapter à des cas particuliers. Mais elle sait très bien se débrouiller à partir de modèles qu’on lui a proposés.
Notons que les gens de Waves ne sont pas très bavards à ce sujet et ça se comprend très bien. Pas envie de se faire piquer leur technologie par des concurrents. Aussi, ils n’expliquent rien et se contentent d’arguments commerciaux pour trouver des clients.
Voilà les 6 options proposées en 2 catégories : « style » et « add tone » :
Ce qui est génial, c’est qu’il est possible de pré-tester les styles pour entendre comment va sonner le master. Il faut choisir un style et tout se passe donc à l’oreille.
Pour ma part, le style qui me convenait le mieux était « Précis ». C’est celui qui respectait le mieux l’esprit de mon mix.
Les corrections de tonalité proposées sont assez transparentes :
Profondeur : renforcement des basses
Présence : ça ressemble tout à fait à une classique bosse de présence autour de 5000Hz
Notons qu’il est possible d’appliquer ces 2 corrections en même temps et le son devient alors beaucoup plus punchy. Un son très rap, hip-hop bien rentre-dedans…
Après écoute des corrections proposées, j’ai jugé que mon mix était bien équilibré, je n’ai fait aucune de ces corrections de tonalité. Mais là encore je ne peux me fier qu’à ce que j’entends.
Exportation du master
L’exportation du master se fait en 2 temps. Le master est généré, je peux l’écouter sur le tableau de bord. A ce stade, je peux faire aussi d’autre versions en choisissant d’autres options et les générer pour pouvoir comparer.
Si je veux downloader mon fichier mastérisé, c’est là qu’intervient le paiement. Pour commencer, j’ai droit à mon premier master gratuit, donc j’en profite.
Ça me paraît très compressé…
Je m’empresse de vérifier les Lufs de ce master et là : surprise ! Les niveaux atteints sont de + 0,2 dbfs et le Loudness est à – 9 Lufs. Ce master est décidément trop compressé. Adapté au support CD, mais pas du tout aux plateformes de streaming (voir plus haut : les spécifications).
Là je vois un gros défaut au système : il m’a été impossible de vérifier mes Lufs avant d’exporter le master.
Importer une musique de référence
Et c’est là que je comprends qu’une fonction m’avait échappée : la « Référence » . En effet il est possible de télécharger une musique de référence dont l’IA va s’inspirer pour faire le master.
Ça peut être un titre du commerce, si vous tenez vraiment à sonner comme telle ou telle chanson. J’imagine assez bien un producteur de rap qui va vouloir sonner comme Doctor Dre ou Snoop Dogg.
Dans mon cas, je me figure que je vais lui donner comme référence mon master maison calibré à -13,9 Lufs pour voir s’il va comprendre ce que je cherche.
Ce que je fais et j’exporte un nouveau master. Notons au passage qu’ayant épuisé mon crédit, je dois maintenant payer mon master 6$.
Et là, bingo ! C’est beaucoup mieux : niveau : -0,1 dbfs et Lufs : -13,4. Pas mal : j’ai été compris. Vous pouvez écouter le résultat et voir les mesures à gauche de la première version et à droite de la version avec référence :
Les Pour et les Contre
En comparant, mon master maison et ce master Waves IA, je constate que ça sonne à peu près pareil, ni mieux, ni moins bien. Faites le test vous-même : écoutez les 2 masters.
La principale différence que j’entends est celle-ci : l’introduction du morceau cartonne un peu plus que ce que j’avais choisi de faire et le final aussi. Force est de constater que ce n’est pas vraiment une amélioration, mais plutôt un choix subjectif que je n’avais pas fait.
Mais entre les deux, ça se ressemble beaucoup. Pas vraiment étonnant, l’IA a somme toute bien copié ce que je lui avais donné en référence : mon master maison.
Pour :
– Rapidité
– Efficacité
– Le son est bon
– Le prix très, très abordable
Contre :
– Contrôle uniquement à l’oreille avant d’exporter le master : ni Lufs, ni dbfs, ni vision des fréquences.
– Le résultat est à la hauteur d’un mastering très minimal et ressemble étrangement à celui qu’on peut faire avec un simple compresseur / limiteur comme le L1 Ultra Maximizer
Pour conclure
A moins que Waves n’améliore cette solution dans le futur, elle est sans aucun doute destinée à des home studistes qui ne connaissent rien au mastering. Et là elle fait très bien le job en proposant des masters corrects à un prix très bas.
Mais au delà de ça, si ces utilisateurs amateurs ne vont pas chercher plus loin, ils ne pourront guère gérer correctement le mastering propre aux différents supports, car il n’y a aucun contrôle prévu des Lufs.
Pour les autres, plus pros, qui savent mixer correctement et mastériser un minimum, cette solution ne leur apportera probablement rien. Je vois toutefois une utilité : pouvoir vérifier si son propre mastering est correct et comparer différentes options de mastering possibles en testant avec les styles et les Add Tone.
En fin de compte, je vois aussi là une occasion salutaire de démystifier le mastering.