Maitriser Les technologies numériques en enseignement musicalPour tous les profs de musique et les musiciens-intervenantsLes leçons ... Lire la suite
Ecoute active au coeur de la pratique musicale
L’initiation à une écoute active est la base même du travail d’éveil musical pour les enfants mais aussi pour tous les musiciens-débutants. Différentes situations, parcours, protocoles d’écoute, permettent aux débutants d’entendre, de reconnaître et d’analyser les paramètres du son.
Retour Dossier Enseigner la musique
Mais en fin de compte qu’est ce que l’écoute musicale ?
On peut commencer par créer une situation d’écoute très simple : écouter les sons environnants dans la pièce pendant une minute. Dans un travail de groupe, la première tentative n’est généralement pas un franc succès :
Les débutants produisent un bruit de fond en bougeant, bavardant, jouant avec des objets et les premiers commentaires se bornent à décrire l’origine des sons entendus.
Mais il ne faut pas rejeter cette première expérience d’écoute active qui a le mérite de poser les problèmes fondamentaux liés à l’écoute. Au contraire, on la valorisera car elle va nous permettre de préciser les consignes d’écoute initiales et d’introduire une autre forme d’écoute et d’analyse des sons.
Qu’est ce que le silence ?
Si les participants produisent eux même des bruits, ils ne peuvent écouter les sons qui pourraient être cachés derrière. Ce constat permet de poser par l’expérience l’importance du silence et de sa qualité.
Considérer certains bruits comme parasitant l’écoute des sons environnants amène à hiérarchiser les sons en fonction d’une intention d’écoute et à révéler déjà un des paramètres du son : l’intensité. Les sons sont plus ou moins forts et les plus forts peuvent cacher les plus faibles.
Le débutant pourra percevoir concrètement la relation entre les sons et le silence : une accumulation de sons même faibles en intensité produit un bruit de fond. Le silence qui n’est pas l’absence de sons, mais plutôt une faible présence de ce bruit de fond, crée une situation favorable à l’écoute.
Notre protocole d’écoute active devient donc plus précis : faire le silence pour écouter les sons environnants pendant une minute.
Dans cette proposition pédagogique réside l’acte fondateur de toute pratique musicale, l’intention d’écoute : nous désirons écouter des sons.
Pour combler ce désir et réaliser cette intention, il nous faut un silence de qualité qui n’existe pas en soi. Il nous faut donc le créer nous même (faire le silence).
Qu’est ce que l’écoute naturelle ?
Les premiers commentaires d’écoute active des débutants consistent à décrire l’origine des sons: untel a toussé, une telle a fait grincer sa chaise, une voiture a klaxonné dans la rue, un avion est passé … Rien de vraiment surprenant.
C’est la « tendance prioritaire et primitive à se servir du son pour se renseigner sur l’événement. » – Pierre Schaeffer, 1966
Cette écoute active, qualifiée également par Pierre Schaeffer de causale ou encore de banale s’exprime dans les commentaires des participants qui sont des réponses aux questions sous-jacentes : Qu’est ce que c’est ? Qui est ce ? Que se passe-t-il ?
Qu’est ce que l’écoute sémantique ou culturelle ?
C’est une autre forme d’écoute pratiquée au quotidien par tout le monde sans le savoir (un peu comme Monsieur Jourdain avec la prose) et tout particulièrement à l’école ou en formation : elle se détourne de l’événement sonore … pour viser à travers lui un message, une signification, des valeurs.
Elle est à l’oeuvre quotidiennement, principalement dès lors qu’intervient le langage. Au téléphone, par exemple on écoute ce que notre correspondant nous raconte.
Ces deux formes d’écoute nous sont très utiles et même nécessaires, mais elles ne répondent pas totalement à notre intention d’écoute, elles ne comblent pas vraiment notre désir d’écoute. Les écoutes causale et sémantique nous permettent seulement de situer, de reconnaître les sons entendus, de comprendre des messages: elles sont fonctionnelles.
Mais comment expliquer alors le plaisir qu’on peut ressentir à l’écoute active de certains sons même très quotidiens ? Pourquoi désirons nous écouter la musique ?
Notre intention d’écoute est dans ce cas différente : nous désirons écouter les sons pour le plaisir sensuel qu’ils nous procurent et cette intention peut nous conduire à nous poser d’autres questions : comment ce son se présente-t-il ? Est-il fort ou faible, long ou court, grave ou aïgu, lisse ou granuleux, etc …. ?
Qu’est ce que l’écoute réduite ?
Dans son Traité des Objets Musicaux, Pierre Schaeffer nomma ainsi cette autre forme d’écoute. Elle est pour lui l’écoute musicale par excellence, celle qui vient d’une nouvelle intention d’écoute. L’écoute réduite est l’attitude d’écoute active qui consiste à écouter le son pour lui même, comme objet sonore en faisant abstraction de sa provenance réelle ou supposée, et du sens dont il est porteur…
« L’écoute réduite est ainsi nommée … parce qu’elle consiste en quelque sorte à dépouiller la perception du son de tout ce qui n’est » pas lui » pour ne plus écouter que celui-ci, dans sa matérialité, sa substance, ses dimensions sensibles… » – Michel Chion, 1982
Cette expérience d’écoute réduite va permettre au musicien débutant d’accéder très simplement et progressivement par l’expérience aux notions déjà très musicales de durée, enveloppe, intensité, timbre, hauteur, distance, présence dans l’espace …
Si on enregistre un son à l’aide d’un bon enregistreur portable et si immédiatement après on le réécoute sur deux haut-parleurs de bonne qualité, on va pouvoir affiner son analyse.
Mais on va pouvoir aussi pratiquer l’écoute réduite d’autant plus facilement qu’on se trouve placé en situation acousmatique, face à deux haut-parleurs qui nous renvoient en temps différé une image sonore des sons entendus précédemment en temps réel.
Que signifie le terme acousmatique ?
C’est un adjectif qui se dit d’un son que l’on entend sans voir les causes dont il provient. Ce terme désignait aussi en grec une secte de disciples de Pythagore, les acousmates qui suivaient, dit-on, un enseignement où le Maître leur parlait en se cachant derrière une tenture. Ceci afin d’éviter de distraire leur attention par la vision de son apparence corporelle.
Lorsque nous écoutons de la musique enregistrée sur des haut-parleurs ou au casque, nous sommes en situation d’écoute acousmatique.
Qu’est ce que l’écoute active ?
L’écoute active est un concept développé à partir des travaux du psychologue américain Carl Rogers. Elle est également nommée écoute bienveillante. Initialement conçue pour l’accompagnement de l’expression des émotions, elle est opérationnelle dans les situations de face-à-face où le professionnel écoute activement l’autre. Elle consiste à mettre en mots les émotions et sentiments exprimés de manière tacite ou implicite par l’interlocuteur. L’écoute active est plus fine que la reformulation en ce qu’elle ne se limite pas à dire autrement ce qu’une personne vient d’exprimer, mais de décoder la dimension affective généralement non verbalisée.
Wikipédia
Par extension, nous avons employé ce terme d’écoute active dans un autre contexte, celui de l’écoute des sons et de la musique. C’est donc une manière de l’étendre aussi au monde sonore, à tous les sons, et non plus seulement à la communication orale que Carl Rogers étudiait au départ.
On rejoindra ainsi une des idées fondamentales du compositeur américain John Cage. Il considérait, en substance, que les sons sont des êtres vivants, qu’ils sont nos amis. Nous les aimons, nous les écoutons avec bienveillance. Il en faisait en quelque sorte le fondement humaniste de la musique.
Bruno de Chénerilles – extrait d’une communication aux Journées Francophones de Recherche en Education Musicale – Ottawa, 2009
Pour aller plus loin, lisez mes deux articles sur le blog :
A lire aussi
professeur de musique : tablettes et smartphones en enseignement musical
[Fonofone] musique electroacoustique en éducation musicale
Eveil musical – Pourquoi apprendre à écouter ?