Martin Adamiec, Voix off pour Arte

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Au salon “Entendez voir” en mars 2020 à Strasbourg, Plan Sonore a rencontré Martin Adamiec, un comédien multi-facettes basé en Alsace, pour parler avec lui de son parcours et principalement de son activité de voix off pour la chaîne de télévision Arte.

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“ Je m’appelle Martin Adamiec, je suis né en 1952. Naturalisé polonais, français, à l’âge de 12 ans. C’est très important par rapport à la langue, deux langues, le polonais et le français. La langue a toujours été, pour moi, la base de tout.

Ancien élève de l’école de journalisme de Strasbourg, et surtout acteur et metteur en scène depuis 35 ans avec la compagnie Articulations. J’enseigne les pratiques théâtrales depuis environ autant de temps, j’écris et publie beaucoup, et je peins. « 

Vous pouvez aussi écouter l’interview intégrale de Martin Adamiec en podcast audio :

Voix off pour la chaîne Arte

 » La voix off, alors je suis un historique par rapport à Arte à Strasbourg, j’ai démarré en même temps qu’eux, sur les enregistrements de voix off, voice over etc. Beaucoup de plaisir à le faire, mais pour moi ça allait complètement avec ce que je pratique depuis toujours, c’est à dire l’oralité. J’ai même osé un mot, à savoir essayer d’équilibrer écriture et orature, pour moi c’est indispensable j’ai toujours été entre les deux.

Ca passe au départ par un casting de voix en général, et puis par le réseau, quelqu’un qui vous introduit. A partir de là on fait les premières expériences, ça s’appelle le doublage, c’est intéressant, c’est un travail en soi.

Il y a des exigences, on est coincé dans une cabine avec un micro, un texte, et il faut être assez rapidement dans la structure du texte, il faut la respirer. En fait tout le travail consiste à respirer le texte.

Celui qui conduit la séance a aussi sa méthode à lui. Il préfère tel type de voix, de façon de faire ou d’être.

Des fois, on a l’impression qu’on n’est pas bon, parce qu’on bégaie, on n’est pas dessus. Et à d’autres moments oui, on l’est et on ne sait pas toujours à quoi ça correspond. Parfois on peut arriver très reposé en enregistrement de voix off et au final c’est une catastrophe. Et d’autres fois on arrive avec rien, et c’est très bon.

C’est très étrange, parce qu’entre ce que nous, nous faisons, et ce que la bande son va dire, il y a un monde. C’est un autre travail pour celui qui enregistre, il entend autre chose, il est à la recherche d’autre chose dans notre voix que ce que nous on cherche.

Parfois on fait une prise, et l’enregistreur veut la refaire car selon lui on est trop comme ci ou comme ça. Et on est étonné, nous même.

Ou alors on a un défaut de langue, des fois on trébuche sur un mot dix fois de suite, pourquoi ce mot là ? Il n’y a pas d’explication logique, parce qu’à une prochaine séance ça sera à un autre mot. « 

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30 ans d’expérience en voix off

 » De l’expérience de 30 ans de voix off, je dirais qu’il y a trois facteurs qui changent : la qualité du texte qu’on a à dire, si le texte est ennuyeux, il est ennuyeux. Il n’y a pas grand chose à faire, on peut le magnifier un peu.

Mais si le texte est intéressant et qu’on a été intéressé lorsqu’on l’a travaillé, on a envie de donner, il n’y a pas de secret. Entre l’image et le texte il y a quelque chose qui se passe, on le sent, c’est à nous d’être là.

Parfois un texte est un peu maladroit parce qu’il a été fait en fin de course. Donc on propose de le corriger et des fois c’est possible, il suffit que le réalisateur soit présent au studio. C’est en entendant la voix que le réalisateur se rend compte qu’à un endroit il y a un mot de trop, ou que c’est répétitif.

Le troisième élément c’est l’équipe, il faut une équipe. Il faut quelqu’un qui sait vous diriger. Et puis qu’on s’amuse, c’est si on s’amuse que la voix gagne, on se détend et on gagne parfois jusqu’à trois tons.

Il y a plein de choses comme ça dans la pratique elle-même. C’est ce qui est intéressant dans l’enregistrement je trouve, il y a une grande liberté finalement. « 

Les contraintes de langue de la voix off

 » Mais il y a des contraintes, il faut le faire dans le temps voulu. Lorsqu’on a une voix coréenne ou chinoise, on n’a pas de repère, donc il faut en trouver un pour donner un sens français. On invente des choses des fois, et ça marche, mais il faut que ça soit dans le timecode

Quand ce sont des langues latines, on s’y retrouve bien plus, on a des mots repères, des respirations repères. Finalement les gens respirent en fonction de leur langue, un chinois, un coréen ou un russe ne respire pas au même endroit qu’un français ou un italien. Et ça on le ressent à force de le faire, on peut l’anticiper.

Parfois on a des fous rires, je me rappelle d’un sujet pour Arte qui devait parler du Kilimandjaro, et je devais faire le commentaire. Sur la première image on voyait le Kilimandjaro avec écrit en toutes lettres “ Le Kilimandjaro ”, et la première chose à dire dans le commentaire :
Voici… le Kilimandjaro ”.

On était morts de rire. Chaque fois qu’on l’a pu on l’a rajouté, même si on ne l’a pas gardé, car c’était à mourir de rire. Je pense que celui qui a écrit le sujet était convaincu qu’il fallait bien insister, mais on avait bien compris. « 

Des contenus passionnants

 » Ce sont toujours des choses passionnantes, il y a des sujets qu’on découvre. Moi ce qui m’a plu dans l’enregistrement c’est de découvrir des choses que je ne savais pas. Des sujets pointus sur la biologie ou autre chose, ça me passionne de toute façon.

D’un seul coup, il y a un reportage, une enquête qui est extrêmement intéressante. Et là on a envie de convaincre, plus que si on double Hitler ou Ceaușescu où on ne va pas en faire des tonnes, surtout ne pas le rendre plus beau qu’il n’est.

On a une partition qui est très rigide. Le texte est donné, il n’y a pas à bouger. Un musicien aussi, mais on a une contrainte de temps aussi, tout ce dont je parle là doit se faire dans un temps donné. Donc quand on dérape ou qu’on s’amuse ça permet d’aider à la suite, c’est une façon de garder la voix, la présence, la respiration. « 

Fatigue en voix off

 » Il faut savoir aussi, qu’une voix se fatigue vite. Dans une séance qui dure deux heures, entre le début et la fin il faut faire attention à ménager l’énergie. Il y’a pleins de trucs qu’on apprends en cours de route.

Par exemple en début d’enregistrement, si il est assez long, il faut faire attention, la voix est plus grave au début avant qu’elle chauffe. Alors il faut la prendre tout de suite un peu plus haute, afin qu’elle colle avec la fin de l’enregistrement.

Je me suis fait piéger une fois, j’ai dû refaire tout le début car je n’avais pas la même voix qu’à la fin. Après je l’ai compris, je démarre avec un ton au dessus.

Je crois que la qualité de l’enregistrement va être la qualité de l’équipe, comme dans tout ce qui est artistique, on n’est pas des dactylos. Tu as quelqu’un qui est là et tu sens qu’il t’aide, qu’il est présent. Je crois que c’est ça qui fait beaucoup.

Dans un enregistrement pour Arte, la contrainte c’est qu’ils veulent la propreté et ce n’est pas toujours facile. Parce qu’ils ont un modèle idéologique et culturel, la voix doit être sobre la plupart du temps. C’est pour ça que beaucoup de voix qui travaillent pour Arte ne sont pas des voix d’acteurs ou de comédiens.

Ce qui compte c’est d’abord la propreté de la chose, et l’acteur a souvent tendance à trop jouer, et il faut être plus droit. Donc ça c’est une vraie contrainte, il y a une liberté qui n’est pas là. « 

Les voix off de documentaires sur Arte

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 » Il y a une liberté possible dans la création radiophonique, qu’il n’y a pas dans le documentaire. Dans le travail pour Arte, nous sommes des voix off de documentaire. Parfois on peut pousser plus loin car il y a une émotion à traduire. Mais il y a cette forme de neutralité, que je trouve parfois dommageable quand j’écoute moi même, mais c’est ce qui est demandé. Et ce qui est demandé est parfois ce qui est le plus difficile à obtenir. La contrainte est là, elle n’est pas du contenu elle est du contenant.

Celui qui fait le commentaire va avoir l’essentiel du travail à faire, et à l’intérieur il y a les voix des différentes personnes interviewés dans le documentaire. J’ai fait ou l’un ou l’autre selon le moment. C’est encore très différent, le commentaire c’est intéressant parce que tu as une continuité à trouver sur tout le documentaire. Alors que les personnages ça peut être très variable

Mais il y a une signature en enregistrement de voix off, une demande de quelque chose, qui peut changer avec le temps. Même sur les voix choisies, les voix off que l’on choisissait il y a 30 ans quand j’ai démarré, ce ne sont pas tout à fait les mêmes aujourd’hui. On prend d’autres types de voix, ténor, baryton …

Certains réalisateurs demandent et obtiennent le sous-titrage, d’autres veulent la voix off. Certains veulent que l’on ait des amorces de la voix, authentiques. Après c’est une question de durée, il faut que ça tienne et des fois ça ne tient pas. Ça arrive souvent qu’on change le texte, parce qu’on se rend compte que c’est bancal. Sinon on est obligés d’aller comme un blindé pour être dans le timing, et ça casse tout.

Moi qui écris aussi, je ferai les commentaires plus concis, moins bavards. Certains le font bien, les documentaires de la BBC sont souvent très bons. J’ai des exemples de très bons documentaires où l’image et la voix off ne sont pas juste en train de répéter la même chose. La voix off apporte un plus par rapport à l’image, qui apporte elle un plus à la voix off. Mais des fois ce n’est pas le cas, c’est très plat. « 

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